Georges
Gachnochi, psychiatre, psychanalyste, auteur de nombreux articles
dans le champ de la psychiatrie infanto-juvénile et de
la psychanalyse.
Premières
pages
Sur un plan général, on assiste à l’arrivée
massive dans les pays occidentaux, tout particulièrement
européens, de populations non seulement culturellement
très hétérogènes, mais surtout souvent
très hostiles ou envieuses par rapport à la culture
occidentale. Divers facteurs y contribuent. La prétention
de posséder, en tant qu’anciens colonisés,
une créance sur les pays européens est renforcée
par l’attitude de contrition d’une partie importante
de la classe politique et intellectuelle de ces pays, en France
plus qu’ailleurs. La Loi Taubira ou les protestations contre
la loi de février 2005, appuyées sur la prétention
d’un Bouteflika à dicter la politique française,
constituent des injonctions à considérer la colonisation,
les guerres coloniales et l’esclavage lié à
la « traite atlantique » comme des exceptions de l’Histoire.
Par conséquent, les migrants extra-européens sont
invités à revêtir (par procuration à
travers les siècles) une identité exclusive de victimes
créancières, aussitôt arrivées, de
leurs hôtes. La télévision permet aux peuples
extra-européens de constater la différence de niveau
économique entre leur pays et le monde occidental, ce qui
suscite l’envie et l’illusion qu’il suffit de
vivre en Occident pour accéder d’emblée à
tous ses luxes, et que l’« ascenseur social »
y est un ascenseur exprès.
De nombreuses populations arrivées
au cours de l’histoire dans des pays plus développés
avaient intégré les dimensions du temps et de l’effort
dans leur volonté légitime d’ascension sociale.
Contrairement à elles, de nombreux membres de la seconde
génération de l’immigration africaine (du
Nord mais aussi du Sud, essentiellement en ce qui concerne les
musulmans) considèrent que l’ascension sociale doit
être immédiate, et notamment être indépendante
de l’effort scolaire. Ainsi, nombreux sont ceux parmi les
jeunes générations qui se voient coincés
entre deux solutions. L’une est l’aspiration à
la consommation comme idéal – aspiration qui ne peut
être que très modérément satisfaite,
sauf à devenir délinquant avec entrée dans
une économie parallèle, délictuelle ou criminelle,
qui rapporte évidemment bien plus qu’un salaire d’employé
ou d’ouvrier… C’est un problème qu’aucune
« discrimination positive » ne peut résoudre.
Au contraire elle est susceptible d’aggraver les tensions.
L’autre voie proposée est celle d’une «
transcendance » islamiste empreinte de violence, d’intolérance
voire de haine, en même temps que d’un sentiment de
supériorité sur les « non-croyants ».
Dans les deux cas, il s’agit de solutions marquées
au minimum par une immaturité narcissique, au pire par
un narcissisme qualifiant sans presque de contrepartie les instances
idéales. Le fameux « respect », mot mal traduit
de l’Arabe littéral karama qui est un concept ayant
notamment le sens de « noblesse », « orgueil
», avec une nuance de domination sur l’autre, est
un signifiant qui à la fois met en évidence les
positions narcissiques traduisant la prédominance du moi
idéal sur l’idéal du moi et contribue à
les renforcer.
A ce propos, l’idée que le racisme est la plus grande
cause de l’échec de l’intégration sociale
de ces personnes est très discutable, comme le montre l’ascension
sociale, progressive, d’originaires des Antilles ou d’Extrême-Orient.
Ou alors il faudrait rappeler que le racisme est loin d’être
à sens unique, que le racisme anti-blanc, très répandu,
est un facteur gênant gravement l’entrée dans
la société d’accueil. Mais bien entendu, ne
peut conduire qu’à des impasses la renonciation implicite
et hypocrite au modèle d’assimilation pour un modèle
d’intégration de communautés censées
entrer dans la collectivité nationale avec des signes particulièrement
ostensibles – et dont l’affichage fait partie des
moyens de pression des plus sectaires sur les autres (port du
tchador dans les lieux publics, y compris les universités)
– ou avec des privilèges contraires à la loi
ou au droit commun (foyers polygames, interruption du travail
plusieurs fois par jour pour les prières, menus spéciaux
dans les écoles, etc..) L’échec des modèles
d’intégration en Grande-Bretagne et aux Pays-Bas
prouve que le communautarisme explicite n’a pas de meilleurs
résultats que l’implicite. Mais l’un comme
l’autre comportent un fort risque de clivage surmoïque,
voire dans certains cas de formation d’un surmoi radicalement
antagoniste à la société dans son ensemble.
En témoigne le sentiment
de supériorité de populations d’origine musulmane
– estimant détenir la vérité religieuse
absolue et l’exclusivité de la pudeur – sur
la civilisation occidentale, judéo-chrétienne, ouverte
aux autres cultures et acceptant la promiscuité sexuelle.
Les mêmes estiment, que cette civilisation est prête
à subir passivement une reconquête musulmane de l’Europe,
pourvu que celle-ci ne s’annonce pas dans les langues européennes.
Ainsi beaucoup de ces « jeunes », pas forcément
marqués à priori par l’islamisme, sont-ils
amenés à des identifications massives avec les communautés
musulmanes de différents pays, en conflit ouvert avec la
civilisation occidentale. Alors qu’en France, dans les rares
cas où les pouvoirs publics ne regardent pas d’un
autre côté, la justice acquitte généralement
les rappeurs lançant des appels au meurtre, ces pays, ces
communautés, apparaissent comme animées d’un
dynamisme triomphant et insolent, comme c’est le cas de
l’Iran et de la manière dont ce pays se joue de la
passivité occidentale, comme c’est aussi le cas des
mouvements terroristes palestiniens. Ainsi ces modèles
servent-ils de critères non seulement à des jeunes
issus de l’immigration, mais à d’autres qui
se convertissent, attirés par cette vigueur et cette arrogance
mêmes, en même temps qu’ils compatissent avec
de soi-disant victimes, voire participent à des actions
terroristes. (...)