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Le
comité pour la mémoire de l’esclavage
(CPME) a été institué par le décret
de janvier 2004, relatif au Comité institué
par la loi du 30 juin 1983 concernant la commémoration
de l’abolition de l’esclavage modifiée
par la loi adoptée le 21 mai 2001, qualifiant la
traite négrière de crime contre l’humanité.
Sa mission consistait à proposer au Premier Ministre
la date de la commémoration annuelle de l’abolition
de l’esclavage, en France métropolitaine,
après avoir procédé à la consultation
la plus large. Il propose aux ministres chargés
de l’intérieur, de la culture et de l’outre-mer
l’identification des lieux de célébration
et de mémoire sur l’ensemble du territoire
national et des actions de sensibilisation du public.
Il
a également pour mission de proposer aux ministres
chargés de l’éducation nationale,
de l’enseignement supérieur et de la recherche,
des mesures d’adaptation des programmes d’enseignement
scolaire, des actions de sensibilisation dans les établissements
scolaires, et de suggérer des programmes de recherche
en histoire et dans les autres sciences humaines, dans
le domaine de la traite ou de l’esclavage.
On
y compte des personnalités choisies en considération
de leurs travaux de recherche dans le domaine de la traite
ou de l’esclavage, de leur activité associative
pour la défense de la mémoire des esclaves,
de leur connaissance de l’outre-mer français.
Le président et les autres membres du comité
sont nommés, pour une durée de cinq ans,
par décret du Premier Ministre.
Le
rapport du comité présente des propositions
et recommandations de nature à faire en sorte que
la mémoire partagée de l’esclavage
devienne partie intégrante de la mémoire
nationale. Le comité constate la « forte
attente, au-delà de tous les clivages, pour un
acte symbolique fort et pour des actions concrètes
de la part des plus hautes autorités de la République
française qui s’inscrivent dans l’esprit
de la loi du 21 mai 2001. »
Cette
attente révèlerait qu’une grande majorité
des Français issus du monde de l’esclavage
sont convaincus que, malgré la loi du 21 mai 2001,
l’histoire de la traite négrière,
de l’esclavage et de leurs abolitions continue d’être
largement ignorée, négligée, marginalisée.
Ils perçoivent cet état de fait comme un
déni de leur propre existence et de leur intégration
dans la République. En tant que citoyens, ils demandent
que soit reconnu un passé qui a modelé non
seulement leurs sociétés, mais aussi la
France dans son ensemble.
Cet
état de fait nécessite selon eux un geste
symbolique de l’État français et la
prise en compte à part entière de cette
histoire dans les programmes scolaires, afin d’en
faire un événement majeur de l’histoire
de France. Des actes forts qui manifestent la volonté
de la République française d’aborder
cette page honteuse de son histoire seraient espérés
de ce groupe mémoriel dont on doit relever la grande
hétérogénéité. Pour
le Comité auteur engagé du rapport, ces
gestes devraient contribuer à une plus grande intégration
citoyenne.
En
tenant compte de ces attentes, le CPME formule différentes
propositions.
Une
commémoration nationale de l’abolition de
l’esclavage en France métropolitaine,
pour symboliser à sa juste mesure la décision
de l’État de reconnaître l’esclavage
comme un crime contre l’humanité, car la
notion de « crime contre l’humanité
», adoptée le 21 mai 2001 à l’unanimité
par les élus du peuple français, a constitué
un tournant radical. « Cette notion, qui apparaît
dans la Charte de Londres du 8 août 1945, a été
adoptée au lendemain de la Seconde Guerre mon¬diale
pour définir en termes philosophiques, politiques
et juridiques le fait de détruire un groupe ou
un peuple par une action organisée et volontaire.
La notion de crime contre l’humanité implique
qu’il existe une loi supérieure aux lois
des États, une loi supranationale. Tout argument
économique ou poli¬tique, ainsi que le principe
de souveraineté lui-même doivent s’effacer
devant l’argument moral, qui transcende l’idée
de l’intérêt particulier (du groupe,
de la nation, de l’État). Il est désormais
entendu que c’est l’humanité en tant
que telle qui est attaquée quand une personne est
attaquée à cause de son appartenance ethnique,
culturelle, religieuse. Il est crime contre l’humanité
tout entière et en cela transcende toutes les catégories
pénales. C’est ce qui fait l’humain
qui est la cible du crime. La traite négrière
et l’esclavage entrent dans cette catégorie,
car ce sont des entreprises de déshumanisation,
de déni de ce qui fait l’humain. »
Reconnaître la qualité de crime contre l’humanité
à l’esclavage a ainsi répondu à
l’attente des citoyens issus du monde esclavagiste
passé, qui ont vu cet événement central
de leur histoire reconnu sur le plan symbolique. Le CPME
propose au gouvernement de la République française
la date du 10 mai comme jour de commémoration annuelle
en France métropolitaine de l’abolition de
l’esclavage. Il propose que ce jour soit dénommé
« Journée des mémoires de la traite
négrière, de l’esclavage et de leurs
abolitions ». Le Comité a préconisé
la mise en œuvre de cette commémoration dès
le 10 mai 2005. Le 30 janvier 2006, le Chef de l’État
a entériné cette date du 10 mai comme journée
des « Mémoires de la traite négrière,
de l’esclavage et de leurs abolitions ».
Enseignement
et recherche
Le
comité constate la place mineure de la traite et
de l’esclavage dans l’enseignement. Or, la
République française a voté une loi
tendant à la reconnaissance de la traite et de
l’esclavage comme « crime contre l’humanité
». Elle a donc reconnu et inscrit dans la loi la
nécessité d’une réparation
histo¬rique. Pour les rédacteurs du rapport,
cette réparation historique devrait se traduire
dans les écoles, où les futurs citoyens
sont en droit de savoir pourquoi et comment la France
fut une puissance coloniale et esclavagiste et comment
l’abolition de l’esclavage fut accomplie.
Pour certains écoliers, collé¬giens,
lycéens, dont les ancêtres furent «
déportés et asservis », l’intégration
de cette histoire à l’école marquerait
l’intégration de leur histoire dans le récit
national. Suivant son analyse des programmes et des manuels
scolaires et à la suite des rencontres avec l’Éducation
nationale, le CPME avance des propositions pouvant être
réalisées dans un futur proche :
Insertion de tous les aspects de l’esclavage et
de la traite négrière à une place
significative dans les manuels scolaires à destination
de la métropole
Intégration
des sujets liés à la traite négrière,
à l’esclavage et à ses processus d’abolition
dans les programmes de recru¬tement (CAPES et agrégation
d’histoire-géographie, de lettres modernes
ou de philosophie)
Création
d’un événement culturel au sein des
établissements scolaires, suscitant des productions
écrites ou orales, sur toutes formes de supports
Création
de documents d’accompagnement (recensement des sources
et pro¬positions de séquences pédagogiques)
à l’usage des professeurs des écoles
et des professeurs du secondaire
Création
d’une semaine d’actions de sensibilisation
dans les établissements scolaires autour de la
date de commémoration nationale de l’abolition
de l’esclavage. (...)