Premières
pages
L’appellation
« en tant que juifs » apparaît pour la
première fois le 18 octobre 2000. Elle fait le titre
d’une opinon parue dans Le Monde (parmi les signataires,
Raymond Aubrac, Daniel Bensaïd, Régine Dhoquois-Cohen,
Michael Löwy, Maurice Rajfus, Lau¬rent Schwartz,
Michèle Sibony, Stanislas Tomkiewicz, Pierre Vidal-Naquet,
Michèle Zémor…). Les auteurs se définissent
comme « citoyens du pays dans lequel nous vivons et
citoyens de la planète » et ajoutent : «
nous n’avons pas de raisons ni pour habitude de nous
exprimer en qualité de juifs ». Condamnant
le racisme et l’antisémitisme, faisant montre
de leur « part de déportés, de disparus,
de résistants », ils accusent, sans aucune
démonstration ni aucun exemple concret, Israël
de « prétendre parler au nom de tous les juifs
du monde, en s’appropriant la mémoire commune,
en s’érigeant en représentant de toutes
les victimes juives passées : les dirigeants de l’État
d’Israël, s’arrogent aussi le droit de
parler, malgré nous, en notre nom. Personne n’a
le monopole du judéocide nazi ».
Derrière
le procès de la politique israélienne, c’est
en fait l’existence d’Israël comme peuple
qui est avant tout en question. L’Etat d’Israël
est en effet le seul à incarner formellement sur
la planète le destin collectif juif au point de donner
l’impression de monopoliser la représentativité
de tous les Juifs. Néanmoins, il y a dans ce jugement
une contradiction : si les pétitionnaires s’expriment
en « citoyens », on ne comprend pas pourquoi
ils s’offusqueraient de cet état de faits.
La
raison avancée de leur ire, c’est la fameuse
« visite-provocation » de Sharon, que l’on
sait être, depuis, un mensonge journalistique que
les déclarations de membres du gouvernement palestinien
(et notamment Imad Faloudji, ministre des communications1)
ont démenti par la suite : l’intifada avait
été programmée par l’OLP dès
le refus par Arafat du plan Barak qui lui proposait de créer
un État palestinien sur 99 % des territoires contestés.
Leur critique se veut « juive ». « Ce
n’est pas bien que juifs mais parce que juifs que
nous nous opposons à cette logique suicidaire des
paniques identitaires» (en l’occurence, la leur).
« Nous refusons l’ethnicisation du conflit et
sa transformation en guerre de religions. Nous refusons
d’être cloués au mur des appartenances
communautaires ». Une telle référence
ne peut concerner que la situation française, provoquée
par les agressions arabo-musulmanes contre des Juifs citoyens
français, agressions qui ne sont jamais condamnées
par les pétitionnaires qui en attribuent la responsabilité
à Israël et aux institutions juives.
Bien
entendu, l’appel se termine par l’invocation
de « la fraternité judéo arabe »,
la nécessité de la création d’un
Etat palestinien et l’affirmation du « droit
au retour des Palestiniens chassés de leur terre
». La dernière phrase de la déclaration
– « c’est par la coexistence pacifiée
de différentes communautés culturelles et
linguitiques (sic) sur un même territoire »
– montre que ses signataires se font les avocats de
la « Palestine démocratique et laïque
».
En
somme, les « en tant que juifs » prônent
la liquidation de l’État d’Israël.
En
novembre 2000, se crée aussi à Chicago une
association pacifiste juive « Not in my name »
(« Pas en mon nom ») qui essaimera un peu partout
dans le monde occidental pour offrir « une voix juive
alternative »2. « Nous nous appelons nous-mêmes
« Pas en mon nom » parce que l’État
d’Israël proclame souvent qu’il agit au
nom du judaïsme international et pour défendre
ses intérêts mais ces actions ne reflètent
pas nos valeurs et croyances juives ». Néanmoins,
« bien que nous sommes une organisation primordialement
juive et que nous parlons clairement avec une voix juive,
nous accueillons avec faveur la pleine participation et
le soutien de non Juifs. Nous le faisons en reconnaissance
du fait que nous ne sommes pas une communauté isolée
mais vivons dans une plus large communauté qui nous
donne force et soutien ».
Le
programme de l’association est clair : c’est
l’apologie de la Palestine. « Nous croyons qu’une
telle paix puisse être atteinte lorsqu’Israël
se retirera de ses établissements dans les territoires
palestiniens et répondra aux droits nationaux et
humains légitimes du peuple palestinien ».
La Palestine n’est donc qu’une malheureuse victime
des Juifs… Elle n’assume aucune responsabilité
dans le conflit.
Dans
Le Monde du 6-7 avril 2003, parait un placard publicitaire
sous le titre « Une autre voix juive », parmi
les signataires duquel on retrouve nombre de signatures
de l’article « en tant que juifs ». Cette
publication est suivie le 17 décembre 2003 par une
page entière de publicité dans le même
journal, partagée en deux pétitions de soutien
: « Entendre Une autre voix juive » et «
Une voix chrétienne en écho à Une autre
voix juive ». Les mêmes thèmes sont quasiment
réitérés. Les signataires se définissent
comme « la voix de Français juifs ou d’origine
juive qui soutiennent les idéaux de démocratie,
de liberté, d’universalité des droits
humains et des droits des peuples ». Ils s’expriment
« devant la montée des menaces intégristes,
chauvines, communautaristes, racistes et antisémites,
devant les ingérences criminogènes, antidémocratiques
de la droite israélienne dans la société
française ». ( ...)