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L’origine des ALTERJUIFS

 

Paru dans le numéro 4 , Février 2007

Jean-Yves Kanoui

 

Professeur d’histoire.

Premières pages

L’appellation « en tant que juifs » apparaît pour la première fois le 18 octobre 2000. Elle fait le titre d’une opinon parue dans Le Monde (parmi les signataires, Raymond Aubrac, Daniel Bensaïd, Régine Dhoquois-Cohen, Michael Löwy, Maurice Rajfus, Lau¬rent Schwartz, Michèle Sibony, Stanislas Tomkiewicz, Pierre Vidal-Naquet, Michèle Zémor…). Les auteurs se définissent comme « citoyens du pays dans lequel nous vivons et citoyens de la planète » et ajoutent : « nous n’avons pas de raisons ni pour habitude de nous exprimer en qualité de juifs ». Condamnant le racisme et l’antisémitisme, faisant montre de leur « part de déportés, de disparus, de résistants », ils accusent, sans aucune démonstration ni aucun exemple concret, Israël de « prétendre parler au nom de tous les juifs du monde, en s’appropriant la mémoire commune, en s’érigeant en représentant de toutes les victimes juives passées : les dirigeants de l’État d’Israël, s’arrogent aussi le droit de parler, malgré nous, en notre nom. Personne n’a le monopole du judéocide nazi ».

Derrière le procès de la politique israélienne, c’est en fait l’existence d’Israël comme peuple qui est avant tout en question. L’Etat d’Israël est en effet le seul à incarner formellement sur la planète le destin collectif juif au point de donner l’impression de monopoliser la représentativité de tous les Juifs. Néanmoins, il y a dans ce jugement une contradiction : si les pétitionnaires s’expriment en « citoyens », on ne comprend pas pourquoi ils s’offusqueraient de cet état de faits.

La raison avancée de leur ire, c’est la fameuse « visite-provocation » de Sharon, que l’on sait être, depuis, un mensonge journalistique que les déclarations de membres du gouvernement palestinien (et notamment Imad Faloudji, ministre des communications1) ont démenti par la suite : l’intifada avait été programmée par l’OLP dès le refus par Arafat du plan Barak qui lui proposait de créer un État palestinien sur 99 % des territoires contestés. Leur critique se veut « juive ». « Ce n’est pas bien que juifs mais parce que juifs que nous nous opposons à cette logique suicidaire des paniques identitaires» (en l’occurence, la leur). « Nous refusons l’ethnicisation du conflit et sa transformation en guerre de religions. Nous refusons d’être cloués au mur des appartenances communautaires ». Une telle référence ne peut concerner que la situation française, provoquée par les agressions arabo-musulmanes contre des Juifs citoyens français, agressions qui ne sont jamais condamnées par les pétitionnaires qui en attribuent la responsabilité à Israël et aux institutions juives.

Bien entendu, l’appel se termine par l’invocation de « la fraternité judéo arabe », la nécessité de la création d’un Etat palestinien et l’affirmation du « droit au retour des Palestiniens chassés de leur terre ». La dernière phrase de la déclaration – « c’est par la coexistence pacifiée de différentes communautés culturelles et linguitiques (sic) sur un même territoire » – montre que ses signataires se font les avocats de la « Palestine démocratique et laïque ».

En somme, les « en tant que juifs » prônent la liquidation de l’État d’Israël.

En novembre 2000, se crée aussi à Chicago une association pacifiste juive « Not in my name » (« Pas en mon nom ») qui essaimera un peu partout dans le monde occidental pour offrir « une voix juive alternative »2. « Nous nous appelons nous-mêmes « Pas en mon nom » parce que l’État d’Israël proclame souvent qu’il agit au nom du judaïsme international et pour défendre ses intérêts mais ces actions ne reflètent pas nos valeurs et croyances juives ». Néanmoins, « bien que nous sommes une organisation primordialement juive et que nous parlons clairement avec une voix juive, nous accueillons avec faveur la pleine participation et le soutien de non Juifs. Nous le faisons en reconnaissance du fait que nous ne sommes pas une communauté isolée mais vivons dans une plus large communauté qui nous donne force et soutien ».

Le programme de l’association est clair : c’est l’apologie de la Palestine. « Nous croyons qu’une telle paix puisse être atteinte lorsqu’Israël se retirera de ses établissements dans les territoires palestiniens et répondra aux droits nationaux et humains légitimes du peuple palestinien ». La Palestine n’est donc qu’une malheureuse victime des Juifs… Elle n’assume aucune responsabilité dans le conflit.

Dans Le Monde du 6-7 avril 2003, parait un placard publicitaire sous le titre « Une autre voix juive », parmi les signataires duquel on retrouve nombre de signatures de l’article « en tant que juifs ». Cette publication est suivie le 17 décembre 2003 par une page entière de publicité dans le même journal, partagée en deux pétitions de soutien : « Entendre Une autre voix juive » et « Une voix chrétienne en écho à Une autre voix juive ». Les mêmes thèmes sont quasiment réitérés. Les signataires se définissent comme « la voix de Français juifs ou d’origine juive qui soutiennent les idéaux de démocratie, de liberté, d’universalité des droits humains et des droits des peuples ». Ils s’expriment « devant la montée des menaces intégristes, chauvines, communautaristes, racistes et antisémites, devant les ingérences criminogènes, antidémocratiques de la droite israélienne dans la société française ». ( ...)

 


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