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B L O G   de   Shmuel   Trigano


Il s’agit d’une crise antisémite

Shmuel Trigano, le 11 juin 2010

Il ne faut pas recourir à des périphrases. L’affaire dite de « la flottille » nous a donné la triste occasion d’assister à une crise antisémite virulente qui a pour spécificité de n’avoir embrasé, pour l’instant, que l’opinion, quoique ici où là aient pointé des velléités d’agression, heureusement inabouties. Par opinion, j’entends les médias, les manifestations sur la voie publique, l’unanimité du discours public tant du côté des leaders d’opinion, qui se relaient de plateaux TV en plateaux TV, que du côté des hommes politiques.

Cette crise est cyclique : elle se reproduit épisodiquement (Djénine, Gaza, etc.), c’est à dire que la potentialité de l’explosion est latente et permanente, ne demandant qu’une occasion de l’actualité pour se matérialiser. C’est une véritable bombe à retardement et la question urgente que les autorités doivent se poser très sérieusement est de savoir ce qu’elle annonce comme événement grave. Il y a en effet une forme de répétition générale dans ces explosions périodiques. Un climat se crée; un paysage se met en place dans lequel le passage à l’acte se produira naturellement. Depuis 10 ans, nous assistons à la progression de cette évolution sans avoir réussi à convaincre la société nationale de sa gravité. Nul doute qu’avec la pseudo « flottille » nous avons franchi une nouvelle étape qui lève l’ambigüité des discours en demi-teinte.

La spécificité de cet antisémitisme tient à ce qu’il prend Israël pour cible tout en ayant une portée directement locale. Ainsi, les courants de l’immigration, qui se livrent à des manifestations de rue, utilisent-ils la cause palestinienne pour s’affirmer sur la scène politique française. Ainsi, des partis marginaux comme les Verts et les Communistes contribuent-ils intentionnellement à enflammer les esprits pour se renflouer. Ainsi, des hommes politiques comme de Villepin utilisent-ils l’hostilité à Israël pour se promouvoir, exactement à la façon de Dieudonné : une sortie sur Israël vous procure du charisme. Le lendemain de ses paroles violentes sur France 2, il visitait les « jeunes » de Saint-Denis et leur adressait un discours... D’autres expressions radicales témoignent par ailleurs de cette étape, comme celles de Roland Dumas, ou le livre de Régis Debray qui met en cause les Juifs de France pour leur identification à Israël.

Les foyers de ce nouvel antisémitisme ne concernent donc pas uniquement les milieux de l’immigration et de l’islam mais aussi l’ensemble du réseau médiatique qui ne fait qu’attiser l’hostilité en créant un climat de scandale permanent.

A quoi sert pour les pouvoirs publics de lutter contre l’antisémitisme si cet embrasement se produit en roue libre ? On se demande d’ailleurs ce qu’ils peuvent faire dans une société que nous croyions libre et démocratique mais dont cette unanimité violente ne vérifie pas la réalité concrète. L’opinion est en proie à une idéologie, une croyance de type quasi religieux. Les efforts d’information, de raisonnement, de démonstration ne suffisent pas à déraciner les idées fausses qui la structurent. Un réel fantastique s’est superposé à la réalité, ruinant toute interpellation.

Dans les commandos des organisations pro-palestiniennes (pour le boycott) on trouve de jeunes militants mystiquement convaincus, qui ne sont pas tous – loin de là - originaires de l’immigration. Dans le moindre coin de France, vous avez un « Comité Palestine ». C’est dire la profondeur de la foi palestiniste.

Cet engagement mystique rejoue cependant, sans cesse, la même scène qui repose sur des mythes archaïques. Tous ces scandales promus au nom de la morale, toutes ces condamnations fustigeant l’inhumanité des Juifs, leur violence cruelle envers les enfants (ainsi l’expression d’« assaut meurtrier contre la flottille humanitaire », sans doute forgée par l’AFP, met en réseau symbolique le « meurtre » et « l’humanité »), toute cette réprobation se rejouent de façon très archaïque la scène du déicide et de la Passion, du meurtre rituel qui lui est lié.

Quel spectacle 60 ans après la Shoah ! Il annonce sans doute l’éclipse terminale de l’Esprit en Europe.

*A partir d’une chronique sur Radio J, le11 juin 2010.



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