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B L O G   de   Shmuel   Trigano


La crise des minarets, un fait social total

Shmuel Trigano Editorial sur Radio J du 11 décembre 2009

 

La crise des minarets constitue ce que les sociologues définissent comme un « fait social total », comme une coupe dans l’épaisseur de la vie sociale qui permettrait d’en voir les différentes strates. Est significative tout d’abord la répercussion de l’événement lui-même que caractérise un décalage abyssal entre son caractère limité dans la réalité (la construction de minarets) et l’énormité de la réaction publique. Cela nous donne la mesure du refoulement dont est l’objet le non-dit de l’événement. Cela a pris en effet plusieurs jours pour que les médias reconnaissent que c’est l’intégration de l’islam en Europe qui est en question, ce qui reste encore une forme détournée de poser la vraie question que la majeure partie de l’opinion tente d’éluder : à savoir celle de la défense et illustration de l’identité nationale des Etats européens, qui n’est plus la question de l’intégration de l’islam mais celle de l’intégration des populations immigrées.

La meilleure preuve que l’on peut en trouver est fournie par le débat sur l’identité nationale ouvert par Eric Besson qui précéda de peu l’affaire des minarets. On observe que la majeure partie des positions médiatico-politiques en présence, à droite comme à gauche, donne une définition républicaine de la nation – c’est-à-dire une définition politique, constitutionnelle, juridique, sans substance ni contenu existentiel. Le démenti opposé à cette définition par toutes les opinions européennes montre que par « nation » elles entendent aussi un contenu culturel et identitaire, la nation des clochers et de la Princesse de Clèves, c’est-à-dire un paysage culturel hérité du passé. L’intérêt du vote suisse c’est qu’il se manifeste à l’occasion d’un vote démocratique et pas dans la violence de l’idéologie. Et ceux qui font à chaque instant profession de foi démocratique se retrouvent tout simplement ridicules à condamner ce vote-là. La démocratie, c’est uniquement pour soi et pas pour les autres ?

C’est cette définition de la nation qui ne se résume pas à la citoyenneté qui est aujourd’hui au centre des débats, mais qui n’est quasiment jamais mise sur la table, alors que c’est par là que commencera l’intégration des populations immigrées, avant celle de l’islam qui devra nécessairement se réformer comme le firent Juifs et chrétiens au début du XIXème siècle.

A ce propos, revenant d’une série de conférences en province, j’ai constaté qu’une grande partie de l’opinion juive ne comprend pas ce que les instances représentatives du judaïsme français sont allé faire dans cette galère en prenant position pour les minarets. On est confondu devant l’absence d’analyse et de sens politique, et la conception qu’on se fait du rôle de « représentant ». Les Juifs sont-ils menacés ? Les synagogues sont-elles en question ? L’intégration des Juifs dans la nation pose-t-elle problème ? Quelle réciprocité les instances de l’islam en France ont-elles manifesté envers la communauté juive dans des occasions bien plus graves, surgies de son sein même de surcroît ?

La réaction que les médias attendent de la communauté juive, voire la sollicitent, et à laquelle répondent les instances juives n’est pas nécessairement conforme à ses intérêts politiques.


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