Nous
sortons de deux soirs de commémoration de la sortie d’Egypte
où il nous est demandé de nous considérer nous-mêmes
comme sortis d’Egypte. Jamais peut-être cette injonction
n’a été aussi actuelle qu’aujourd’hui,
pour le pire et le meilleur.
Le meilleur,
c’est que l’aventure du retour à Sion peut effectivement
être interprétée comme une nouvelle sortie d’Egypte,
cette Egypte que la Bible nous dépeint comme le comble de la
puissance et de l’arrogance, l’Egypte qui a commis le
génocide des enfants mâles d’Israël.
Le pire
n’est finalement, pour qui sait lire et voir, qu’une répétition
des errements de la première sortie. L’état d’esprit
tout d’abord : une grande partie du mouvement sioniste a cru
que la sortie d’Egypte visait à reconstituer l’Egypte
de l’autre côté de la mer des Joncs et c’est
à son naufrage moral et idéologique que nous assistons
aujourd’hui avec toutes sortes de décompositions qui
frappent la société israélienne. Il y a même
ceux, adeptes du révisionnisme biblique, qui proclament à
travers livres et conférences qu’il n’y a jamais
eu de sortie d’Egypte, que c’est une pieuse invention
de l’écrivain biblique. Dans la même foulée,
ils assurent que, de toutes façons, il n’y a jamais eu
de peuple hébreu et encore moins de peuple Juif. Les peuples
hébreux n’étaient en effet, dès le départ,
que des peuples du pays, Ame haaretz, des Cananéens. Nous sommes
tous des Cananéens, proclament-ils. Tous des Egyptiens. L’ultra-orthodoxie
quant à elle dit de facto la même chose sur le peuple
juif dont elle serait l’ultime reste, sauf qu’elle a reconstitué
de l’autre côté de la mer, le ghetto d’Egypte,
le pays de Gossen où les Juifs étaient enfermés.
Une grande
partie du peuple juif dénie donc aujourd’hui, d’une
façon ou d’une autre, que la « sortie » fonde
le peuple juif et que le pays d’Israël est de l’autre
côté de la mer ; un peuple qui, du coup, pour les deux
versions extrêmes est censé ne pas exister.
Mais
le plus grave n’est pas là : sous le Sinaï, dans
l’absence de Moïse, voici que s’allument les feux
de la Sarabande autour du Veau d’Or. Que représente le
Veau d’Or sinon la reconstitution de l’Égypte malgré
la sortie, et dans la sortie ?
En quels
termes interpréter ce moment aujourd’hui ? C’est
la propension de cercles importants des élites juives israéliennes
et diasporiques –et notamment intellectuelles– à
délégitimer le principe même d’une souveraineté
du peuple juif dans l’Etat d’Israël, en l’accusant
des pires travers. Elles choisissent clairement l’Egypte contre
le Sinaï. Au cœur d’un Etat d’Israël, de
la liberté conquise sur la servitude égyptienne, ils
se font les avocats objectifs du retour en Egypte.
Rien
ne manque au tableau et Obama, par ses oukases brutaux, finit par
ressembler à Pharaon tout comme l’adversité internationale
autour d’Israël rappelle l’adversité d’un
désert de serpents et de scorpions.
«
Où est Moïse ? » se demande l’autre partie
du peuple ? Quand redescendra-t-il dans cette nouvelle sortie d’Egypte
? Et s’il redescend, c’est la guerre civile assurée
comme la Bible le raconte. Mais qui l’a vu même monter
? Tout le problème c’est que le peuple juif n’a
plus de guide aujourd’hui dans la sortie d’Egypte. Nous
assistons à l’effondrement général d’un
leadership qui, depuis vingt ans, s’est nourri d’illusions
et d’analyses complaisantes. La configuration ambiante a changé
comme autrefois une nouvelle Egypte qui je cite « n’avait
pas connu Joseph » –comme nous le rapporte de livre de
l’Exode. C’est à une nouvelle doctrine politique
globale pour le peuple juif qu’il nous faut penser et les forces
existent en nous pour une telle tâche. C’est la force
de l’espérance.
*Editorial
sur Radio J.