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B L O G   de   Shmuel   Trigano


Sortie d’Égypte

Shmuel Trigano, le 12 mai 2010

Nous sortons de deux soirs de commémoration de la sortie d’Egypte où il nous est demandé de nous considérer nous-mêmes comme sortis d’Egypte. Jamais peut-être cette injonction n’a été aussi actuelle qu’aujourd’hui, pour le pire et le meilleur.

Le meilleur, c’est que l’aventure du retour à Sion peut effectivement être interprétée comme une nouvelle sortie d’Egypte, cette Egypte que la Bible nous dépeint comme le comble de la puissance et de l’arrogance, l’Egypte qui a commis le génocide des enfants mâles d’Israël.

Le pire n’est finalement, pour qui sait lire et voir, qu’une répétition des errements de la première sortie. L’état d’esprit tout d’abord : une grande partie du mouvement sioniste a cru que la sortie d’Egypte visait à reconstituer l’Egypte de l’autre côté de la mer des Joncs et c’est à son naufrage moral et idéologique que nous assistons aujourd’hui avec toutes sortes de décompositions qui frappent la société israélienne. Il y a même ceux, adeptes du révisionnisme biblique, qui proclament à travers livres et conférences qu’il n’y a jamais eu de sortie d’Egypte, que c’est une pieuse invention de l’écrivain biblique. Dans la même foulée, ils assurent que, de toutes façons, il n’y a jamais eu de peuple hébreu et encore moins de peuple Juif. Les peuples hébreux n’étaient en effet, dès le départ, que des peuples du pays, Ame haaretz, des Cananéens. Nous sommes tous des Cananéens, proclament-ils. Tous des Egyptiens. L’ultra-orthodoxie quant à elle dit de facto la même chose sur le peuple juif dont elle serait l’ultime reste, sauf qu’elle a reconstitué de l’autre côté de la mer, le ghetto d’Egypte, le pays de Gossen où les Juifs étaient enfermés.

Une grande partie du peuple juif dénie donc aujourd’hui, d’une façon ou d’une autre, que la « sortie » fonde le peuple juif et que le pays d’Israël est de l’autre côté de la mer ; un peuple qui, du coup, pour les deux versions extrêmes est censé ne pas exister.

Mais le plus grave n’est pas là : sous le Sinaï, dans l’absence de Moïse, voici que s’allument les feux de la Sarabande autour du Veau d’Or. Que représente le Veau d’Or sinon la reconstitution de l’Égypte malgré la sortie, et dans la sortie ?

En quels termes interpréter ce moment aujourd’hui ? C’est la propension de cercles importants des élites juives israéliennes et diasporiques –et notamment intellectuelles– à délégitimer le principe même d’une souveraineté du peuple juif dans l’Etat d’Israël, en l’accusant des pires travers. Elles choisissent clairement l’Egypte contre le Sinaï. Au cœur d’un Etat d’Israël, de la liberté conquise sur la servitude égyptienne, ils se font les avocats objectifs du retour en Egypte.

Rien ne manque au tableau et Obama, par ses oukases brutaux, finit par ressembler à Pharaon tout comme l’adversité internationale autour d’Israël rappelle l’adversité d’un désert de serpents et de scorpions.

« Où est Moïse ? » se demande l’autre partie du peuple ? Quand redescendra-t-il dans cette nouvelle sortie d’Egypte ? Et s’il redescend, c’est la guerre civile assurée comme la Bible le raconte. Mais qui l’a vu même monter ? Tout le problème c’est que le peuple juif n’a plus de guide aujourd’hui dans la sortie d’Egypte. Nous assistons à l’effondrement général d’un leadership qui, depuis vingt ans, s’est nourri d’illusions et d’analyses complaisantes. La configuration ambiante a changé comme autrefois une nouvelle Egypte qui je cite « n’avait pas connu Joseph » –comme nous le rapporte de livre de l’Exode. C’est à une nouvelle doctrine politique globale pour le peuple juif qu’il nous faut penser et les forces existent en nous pour une telle tâche. C’est la force de l’espérance.

*Editorial sur Radio J.




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