La montée
en puissance du Front National imprime sa marque sur l’avenir
politique de la France. Elle est le fruit légitime du politiquement
correct orchestré par la bonne conscience de gauche depuis
25 ans. Le discours qu’elle a imposé sur toutes les scènes
a à ce point-là obscurci les consciences qu’il
est devenu une seconde nature au sein des générations
plus récentes, qui ne jouissent pas du recul de l’expérience
pour évaluer les choses.
L’image
des Juifs est totalement impliquée dans cette évolution.
Comme l’antisémitisme, très ancien, émanant
du fondamentalisme islamique, ne pouvait pas être reconnu comme
tel, du fait du politiquement correct, il s’est vu retourné
contre ses victimes, accusées d’en être responsables,
qui du fait de l’agressivité supposée de la communauté
juive, qui du fait de la culpabilité de principe d’Israël.
C’est ainsi qu’aujourd’hui l’hostilité
ambiante envers l’islam a pour adresse immédiate la communauté
juive, comme on le voit avec la critique démagogique de l’abattage
rituel ou de la circoncision. Et puis, oser critiquer l’islam
se trouve compensé par une critique réputée égale
du judaïsme qui devient ainsi sa justification morale.
Tout cette critique
s’adresse d’ailleurs à des leurres pour éviter
de se confronter au vrai problème qui est celui de l’intégration
de l’islam dans la communauté politique française,
je dis bien de l’islam plus que des musulmans. Car c’est
là le fondement du problème. Contrairement aux religions
chrétiennes et au judaïsme, l’islam n’a pas
été obligé de se réformer pour entrer
dans l’Etat, comme ce fut le cas à l’époque
napoléonienne avec le Concordat et le Grand sanhédrin.
La réforme consistait en la dissociation dans ces religions
de la religion et de la politique. Ce passage installa le cadre dans
lequel elles se perpétuèrent par la suite.
De ce point de
vue, la création du CFCM fut dès le départ entachée
d’un défaut congénital : l’islam français
s’est vu alors établi sous la forme d’un consistoire
sans s’être réformé et avoir concrètement,
symboliquement et juridiquement, renoncé à son caractère
et à ses ambitions hautement politiques. La présence
de l’UOIF à sa tête, malgré ses relations
avec l’Organisation des Frères Musulmans en fut le signe
inquiétant.
A partir de là,
le fait que 60% des Français pensent que l’islam est
une menace et 68% que les musulmans ne sont pas intégrés
s’explique par une situation concrète qui, paradoxalement,
confère un privilège de fait à l’islam,
dont n’ont pas bénéficié les autres religions.
Tant que cette question, qui n’a rien à voir avec la
religion ni la tolérance mais la politique et la nation, n’aura
pas été résolue une fois pour toutes, la situation
ne fera qu’empirer, présageant des lendemains de guerres
d’identité et de religion.
Où se trouvera l’homme politique audacieux qui s’y
attèlera ?
RadioJ, vendredi
14 janvier 2011.
Pour approfondir
la question, du même auteur.
« Le
système politico-symbolique du signe juif dans la vie politique
française », in Controverses, n°10 (mars 2009)
à télécharger à
http://www.controverses.fr/pdf/n10/trigano1-10.pdf
« Islam,
islamisme, islamophobie : une clarification conceptuelle »,
in Controverses n° 12, novembre 2009, à télécharger
à
http://www.controverses.fr/pdf/n12/trigano12-3.pdf
La démission
de la République, Juifs et musulmans en France, P.U.F.,
2003