Mon
récent blog (« Septembre 2011: le mois de tous
les dangers ») a suscité beaucoup d’échos.
C’était mon objectif unique. Non pas de faire entendre
un point de vue défaitiste, ni d’instiller du désespoir
mais de provoquer une prise de conscience de ce qui pourrait
se passer.
La
méthode de simulation
J’ai défini cet exercice comme une «
simulation ». Le terme dit bien ce qu’il veut dire. C’est
une méthode couramment employée dans l’analyse
stratégique, quand il s’agit de simuler une situation
de crise pour savoir comment on réagirait et devrait réagir
en telle et telle circonstance. C’est une démarche purement
théorique mais qui élabore des modèles de comportement
prêts à être mis en acte pour répondre à
certains types de défis prévisibles.
Les événements
(très catastrophiques pour Israël : c’est la condition
d’un tel exercice) que j’ai illustrés au moyen
d’une chronologie imaginaire sont en effet possibles.
Ils mettent en forme le scénario qui sous-tend la politique
des Palestiniens, tous courants confondus. Ils l’expriment d’ailleurs
eux mêmes clairement, comme le « ministre des Affaires
étrangères » de l’Autorité Palestinienne,
M. El Maliki (1).
Cependant, même si les événements
envisagés sont théoriques, ils s’inscrivent dans
la doctrine stratégique globale de l’OLP, très
réelle, elle, depuis 40 ans, définie comme « le
plan par étapes ». Il prévoit la destruction progressive
d’Israël au fur et à mesure de l’évolution
du rapports de forces, en combinant actes de négociation politique
et actes militaires. De nombreux chercheurs l’ont déjà
bien analysée.
Les
événements réels de septembre
La crise dont j’ai simulé le déroulement
serait le produit d’un concours de circonstances, qui, lui,
n’est pas absolument pas imaginaire :
-la réunion à New York de « Durban III »,
le 21 septembre
-la réunion, ce même mois, de l’Assemblée
générale des Nations Unies et la mise à l’ordre
du jour du suivi du Rapport Goldstone
-la réunion du Conseil de sécurité, durant cette
période
et, last but not least, évidemment,
-la déclaration d’indépendance de l’Etat
de Palestine par l’Autorité Palestinienne.
Ce n’est pas un hasard, si cet acte unilatéral
de l’Autorité Palestinienne a été programmé
pour cette date-là. L’environnement international que
nous avons défini lui sera favorable. Durban III accusera Israël
d’être un Etat raciste, pratiquant l’apartheid.
L’Assemblée générale, gouvernée
par les diktats de l’Organisation de la Conférence Islamique
forte d’une soixantaine d’Etats et donc faisant et défaisant
les majorités, votera la reconnaissance du nouvel Etat, en
vertu de la procédure « S’unir pour la paix »
datant d’un précédent de 1950 (du temps de la
guerre de Corée quand le Conseil de sécurité
était bloqué), même si c’est le Conseil
de sécurité seul qui peut lui conférer le statut
d’Etat-membre de l’ONU. Elle remettra le rapport Goldstone
sur la table de ce même Conseil pour donner une suite juridique
aux accusations de crimes contre l’humanité et de crimes
de guerre qu’il formule contre Israël.
La première étape de ce processus se
produira dans quelques jours quand l’Union européenne
va confirmer que l’Autorité de Palestine est capable
de fonctionner comme un Etat, ce qui équivaut à une
sorte de pré-reconnaissance officielle et qui encouragera de
nombreux Etats, déjà le cas pour la majorité
des pays d’Amérique Latine, à faire de même.
Ce concours de circonstances, notamment la planification
pour cette date de Durban III et de la déclaration éclairent
rétroactivement la finalité de la campagne mondiale
de boycott d’Israël pour « apartheid » qui
fait rage depuis de nombreux mois. Ce mensonge énorme, surfant
sur la désinformation courante des médias à propos
de la situation en Israël et dans le monde arabe, vise en fait
à préparer l’opinion publique mondiale à
soutenir la déclaration d’indépendance palestinienne,
en lui conférant un cachet moral et humanitaire entrainant
l’assentiment mondial. L’apothéose de cette accusation
sera bien entendu la conférence de Durban III.
Se
confronter à l’éventualité d’une
crise
Tous ces événements sont programmés
pour se tenir, sauf cataclysme naturel ou manifestation de la Providence.
Ils encouragent les fervents de la Cause palestinienne à imaginer
une série de développements possibles et d’actions.
Bien que ces événements pourraient se produire, ils
ne sont pas inévitables. Justement, l’exercice de simulation
vise à réfléchir à la façon de
les éviter, de les contourner, de les annuler. Pour ce faire,
il faut imaginer les situations de départ les plus extrêmes
« au cas-où », afin de trouver la parade et les
écarter ou les maîtriser.
Ceux qui n’ont pas le courage de se confronter
à leur éventualité, voire même de la penser,
par peur ou par confiance excessive, font le choix de la politique
de l’autruche. C’est une marque de faiblesse. De ce point
de vue-là, l’inquiétude est toujours créatrice
car, même si la situation crainte ne se produit pas, elle aura
au moins réactivé les réflexes de défense.
Les
conséquences de la proclamation d’un« Etat de Palestine
»
Quel
est le danger impliqué par la reconnaissance d’un «
Etat de Palestine » ? La transformation instantanée de
la situation sur le terrain. Les territoires et Jérusalem «
Est » ne seront plus des territoires sans statut comme ils le
sont aujourd’hui (exceptée l’annexion de Jérusalem-Est
par Israël, quoique non reconnue sur le plan international).
Il n’y a jamais eu en effet dans le passé d’Etat
de Palestine sur des territoires occupés militairement, jusqu’en
1967, par la Jordanie et l’Egypte (à Gaza). Ils deviendront
ipso facto les territoires d’un Etat, surtout si ses
frontières « reconnues » par l’ONU sont celles
de 1967, tandis qu’Israël deviendra une puissance occupante
d’un Etat membre de l’ONU, s’exposant à des
sanctions de la part du Conseil de sécurité et à
un boycott, réel cette fois ci, de la « communauté
internationale » (comme on dit).
Ce
qui accrédite la prévision pessimiste
C’est là où le climat actuel envers
Israël prend toute sa signification : il nous donne une indication
de la conduite éventuelle du monde envers lui, dans une telle
situation. A quoi avons nous assisté en effet depuis 10 ans
? A une manipulation des faits, à la transformation de la victime
en accusé, à la falsification des critères de
la morale, déniant à Israël tous les droits reconnus
par la charte de l’ONU à ses membres, et avant tout celui
de l’auto-défense. Comme pour l’antisémitisme
arabo-musulman en Europe les puissances occidentales ont renvoyé
Israël et Palestiniens dos à dos, en brouillant les critères
de la justice, par parti pris en faveur de la cause palestinienne.
Le rapport Goldstone fut le summum de la mauvaise foi coulée
dans une formalité pseudo-juridique et institutionnelle, autorisant
le haro sur Israël au nom de la morale et de la loi. Le pire
fut que les Etats occidentaux et en premier lieu l’Union Européenne,
littéralement obsédée par Israël dans son
agenda politique, et les Etats-Unis d’Obama, ont gobé
cette falsification au service de leur négociation globale
avec l’islam mondial. Israël est pour eux une monnaie d’échange
universelle. Tout est donc possible de la part des anciens «
alliés » d’Israël.
Il y a par ailleurs des précédents depuis
l’invention du « droit d’ingérence »
pour sauver des « populations en danger » : depuis la
Serbie – en Europe même ! - jusqu’à la Libye
– en Méditerranée. La Ligue Arabe a d’ailleurs
très bien enregistré cela en demandant récemment
l’application à Gaza d’une zone d’exclusion
aérienne visant à interdire les représailles
israéliennes aux tirs de missiles sur son territoire (ils semblent
tout à fait normaux à tout le monde). C’est l’Union
Européenne qui est le maillon le plus inquiétant dans
ce concert et plus particulièrement la France et la Grande-Bretagne.
L’état de leur opinion publique, en tout cas celle des
médias, est alarmant : il donne une mesure, négative,
de la légitimité d’Israël.
Ces événements
prévus et ceux qui sont prévisibles prennent ainsi toute
leur ampleur quand on les replace dans le contexte actuel des affaires
internationales et de l’attitude envers Israël dans les
pays démocratiques. Ce que nous craignons depuis dix ans pourrait
bien se concrétiser à cette occasion.
Jusqu’à ce jour, le combat s’est
mené sur la scène idéologique, symbolique et
intellectuelle. C’est la légitimité de l’existence
même d’Israël comme Etat qui a été
en question durant toutes ces années. L’attaque symbolique
constitue toujours la première étape d’une agression
violente. On dépeint d’abord son ennemi comme un monstre
avant de l’abattre, « moralement » et « légitimement
». Vient ensuite la deuxième étape, celle de l’agression
proprement dite. La mouvance pro-palestinienne mondiale pense que
ce stade est arrivé. Il n’est que de voir déjà
ce qui se trame avec les flottilles (une autre est en préparation
et ses instigateurs envisagent même de louer des avions)...
La crainte, c’est que septembre prochain ne voie le déferlement
du passage à la deuxième étape. Son impact concernera
autant Israël que la diaspora, car l’antisionisme est depuis
toujours l’antisémitisme des « moralistes ».
Nécessité
de l’électrochoc
Ce qui m’inquiète, c’est que nous
avons été très peu nombreux à mener le
combat idéologique et intellectuel, à faire face à
la première étape. Ce n’est que depuis un an que
l’Etat israélien se rend compte de la menace de la «
délégitimation ». Les activistes de la première
phase, parmi lesquels je me compte depuis la création en 2001
de l’Observatoire du monde juif, n’ont eu ni moyens ni
relais, tant des institutions juives que des Israéliens. C’est
dire combien les esprits ne sont ni informés, ni aguerris,
ni en position de faire face à la deuxième étape
éventuelle.
C’est là où l’électrochoc
est nécessaire.
Je vois des esprits qui sont sûrs de leur bon
droit, de l’évidence de leur situation, de la confiance
dans la société environnante. C’est qu’ils
n’ont rien compris à ce qui s’est passé
ces 10 dernières années. Le cadre dans lequel nous vivions
depuis la deuxième guerre mondiale a vacillé. Nous avons
vu comment les critères de la morale pouvaient être inversés,
comment les situations pouvaient être déformées,
comment la Shoa pouvait devenir un argument contre les Juifs, comment
la mauvaise foi pouvait favoriser les contrevenants à la loi
et à la morale, comment la violence était qualifiée
de paix et comment la victime devenait l’agresseur. L’évolution
du droit international depuis quelques années donne le spectacle
d’un dérapage en roue libre qui ne repose sur aucune
base juridique : on a inventé un droit international sans nations
ni Etats, sous le signe illusoire d’une « communauté
internationale » qui n’a aucune consistance et qui a la
prétention d’être la société civile
des Etats, échappant à leurs règles, alors qu’ils
sont les seuls acteurs internationaux du système international.
L’univers international qui se profile, derrière les
discours vertueux, n’est pas un univers de droit sur lequel
on peut compter en toute bonne foi. Le meilleur exemple est donné
par le Conseil des droits de l’homme de l’ONU à
Genève qui fut récemment présidé par la
Libye de Khadafi… L’instrumentalisation de la justice
est inscrite dans les us et coutumes de la nouvelle « communauté
internationale » dont Sodome et Babel sont les archétypes
dans la tradition biblique.
La
stratégie palestinienne
Cet état de choses va comme un gant à
la stratégie palestinienne qui a excellé à transformer
une attitude amorale ou illégale en posture vertueuse et morale.
Ainsi une attaque guerrière et exterminatrice contre le nouvel
Etat d’Israël (en 1947-8) fut transformée en «
Nakba ». Le refus de se constituer en Etat et de reconnaître
Israël sur la base du partage se vit transformé en colonialisme
israélien. Le refus du partage de Jérusalem et de la
remise des territoires (Barak en 2000) fut maquillé en révolte
d’un peuple opprimé pour la libération. Les attentats
contre des civils devinrent des sacrifices religieux. L’envoi
d’enfants et de femmes au combat furent grimés en crimes
contre l’humanité d’Israël. La concession
par Israël d’un territoire, d’une armée, d’une
administration (accords d’Oslo) – ce que les Palestiniens
n’avaient jamais eu – fut définie comme une occupation.
Et, en Israël, le refus des citoyens israéliens arabes
de s’intégrer à la nation se transforma en accusation
de racisme à l’encontre d’Israël, etc. La
dernière falsification en date est bien sûr la rupture
de tout processus de négociation avec Israël transformée
en « déclaration d’indépendance »
de l’Etat de Palestine occupé par Israël. Ce qui
est, par ailleurs, une violation de l'article XXXI (7) de 1995 de
l'accord intérimaire israélo-palestinien selon lequel
les parties s'engageaient "à ne prendre aucune mesure
ou décisions qui changerait le statut de la Judée-Samarie
ou de la bande de Gaza en attendant le résultat des négociations
sur le statut permanent". Cela l’est aussi de la résolution
242 qui prévoit expressément de s'entendre sur "des
frontières sures et reconnues" et donc en conséquence
de ne pas imposer des limites en dehors de tout processus convenu.
Et de la résolution 338 qui appelle à "des négociations…entre
les parties concernées…visant à établir
une paix juste et durable au Moyen-Orient".
Mais qui se soucie des traités ? Les Puissances
occidentales elles mêmes qui les garantissaient les ont oubliés.
Comme dans l’Algérie des années 1960 : vous négociez
avec le GPRA, les « modérés », (ici le Fatah)
et vous vous retrouvez avec le FLN (ici le Hamas). Les traités
ne sont dans le monde arabe que des chiffons de papier (et de ce point
de vue, il faut surveiller ce qui va se passer avec le traité
de paix avec l’Egypte post-Moubarak et avec les progrès
du salafisme en Jordanie). Le traité est toujours une étape
vers la guerre.
C’est parce que le cœur de cible de la
propagande arabe est l’Occident, et notamment l’Europe,
que nous avons assisté à cette gigantesque manipulation
de la morale depuis plus de10 ans. L’objectif est de faire agir
l’Europe contre Israël au bénéfice de la
Palestine. En effet, Cette propagande a surfé sur une culture
dans laquelle la condition de victime passée ou présente
est devenue la source de la légitimité et de la moralité.
L’Occident d’après la guerre de 40 et la décolonisation
est traversé du sentiment d’une double culpabilité
: la Shoa et le colonialisme. Le bluff de la « Nakba »
comme substitut de la Shoa, ou comme équivalent, montre très
bien comment une affabulation de cette ampleur a pu se greffer sur
l’imaginaire de la Shoa. Elle dédouanait l’Occident
de sa culpabilité en la reportant sur les Israéliens,
ce qui consacrait les Palestiniens, le « peuple en danger »,
comme le seul héritier des victimes de la Shoa et le récipiendaire
unique de la culpabilité de l’Occident envers les Juifs
(2). Je dis bien le « bluff » car les réfugiés
de 1948 – de toutes façons déjà plus des
« réfugiés » 60 ans après - sont
les vaincus d’une guerre d’extermination qu’ils
ont lancée de concert avec la Ligue arabe sur l’Etat
d’Israël naissant. Ils ne sont nullement des « victimes
» mais des agresseurs vaincus. On peut aisément comparer
leur destin à celui du million de Juifs du monde arabe chassés
et spoliés alors qu’ils étaient en dehors du conflit.
Quel
état d’esprit ?
Il ne
faut pas avoir d’états d’âme, même
si c’est difficile, mais il faut se confronter à la réalité
telle qu’elle est ou pourrait être. J’espère,
cela va de soi, que ce scénario ne se réalisera jamais.
S’y confronter mentalement doit au contraire
nous aider à puiser dans nos forces les plus profondes, autant
spirituelles que physiques. Un combat décisif et vital mettant
en jeu la continuité juive et la qualité même
de l’existence d’un peuple juif parmi les peuples de l’humanité,
est à l’horizon. Je me propose d’aborder de développer
ces enjeux dans un autre blog.
C’est pour cela qu’il est important d’étudier
la stratégie palestinienne, afin de trouver le moyen de la
retourner contre elle même. La situation présente est
aussi le résultat de graves erreurs politiques commises par
Israël dont la première fut le « processus d’Oslo
» et la passivité devant ses premières trahisons
par la nouvelle « Autorité palestinienne » du temps
d’Arafat.
On aura du mal à effacer les conséquences
de ces erreurs d’un revers de main. Il est clair que le slogan
de « deux Etats pour deux peuples » est profondément
irréaliste et suicidaire dans la situation présente.
S’il venait à être mis en œuvre, il donnerait
le coup d’envoi d’une guerre terrible dans laquelle Israël
jouerait son existence même.
On mesure à cet égard l’irresponsabilité
du camp occidental, et en premier lieu de l’Union Européenne,
60 ans après la Shoa, de vouloir imposer à Israël
une « solution » bancale, en dépit de toutes considérations
de sa sécurité et de son existence, et sans aucune exigence
vis à vis de la partie palestinienne dont le bellicisme se
manifeste jour après jour dans sa société et
sa culture.
Une «
solution finale » pour le Moyen Orient ou pour les Juifs?
Notes
(1) « C’est
prévu à l’automne. Nous sommes prêts et
nous avons été préparés depuis longtemps
mais nous voulions nous assurer de la reconnaissance de la communauté
internationale… La voix palestinienne ne sera pas seule. Elle
sera reprise en chœur par des voix tout autour du monde, des
voix crédibles qui diront : «Oui
ils sont prêts ! Oui, ils méritent un Etat !»
(2) Cf. S. Trigano Les frontières d’Auschwitz