Il y
eut un moment pathétique au début de l’affaire
du mot malheureux de Mam, proposant à Ben Ali le savoir-faire
policier de la France pour mater la révolte des Tunisiens.
Interviewée à la télévision, on la vit
perdre pied, une ombre de panique traverser son regard d’acier,
comme si elle avait fait une grosse faute, révélant
sa pensée profonde, à l’encontre des idées
reçues. On a senti l’espace d’un instant vaciller
son personnage de scène.
Le phénomène est d’ailleurs sociologiquement
intéressant, où l’on voit comment un lapsus peut
faire le lit d’une campagne de presse avec séance au
Parlement et 5 colonnes à la une dans certains journaux. Cela
nous donne un indice du coefficient de mensonge du discours public.
La presse qui n’avait pas vu auparavant le scandale du régime
tunisien s’empressa de voler au secours de ce qui fut défini
d’abord comme une « révolution », comparée
à 1789 ( !), et enfin, aux dernières nouvelles, à
la « révolution arabe » (sic). Derrière
le politiquement correct en faveur de l’islam, on perçoit
ainsi très bien le dépit et la frustration ressentie
refoulés envers le monde musulman et l’attente envers
lui. Et c’est la même presse qui orchestra le procès
de Mam, comme pour se libérer de sa mauvaise conscience, avec
vertu. Il est d’ailleurs très intéressant de voir
les médias célébrer de façon intempestive
cette « révolution » dont l’avenir montrera
ce qu’elle porte en elle. Très vite, pourtant, Mam reprit
ses esprits et son ton martelé, scandalisée que l’on
ait mal interprété ses propos !
On ne peut s’empêcher de comparer le traitement
de la Tunisie avec le traitement d’Israël dans le discours
public et diplomatique, y compris celui de Mam, d’une dureté
symbolique sans appel, émettant des jugements à l’emporte-pièce
qui tombent comme des couperets de guillotine et dont le pro-palestinisme
peut être démontré par a+b.
Cette comparaison est très instructive des
mœurs politiques de la France. Les précautions de langage
cauteleuses du gouvernement sur les événements tunisiens,
l’absence de condamnation initiale et ferme, la déroute
piteuse du refus de l’asile politique à Ben Ali, hier
encensé comme rempart contre l’islamisme, le gel de ses
avoirs hier accueillis à bras ouverts, soulignent à
gros traits les vérités relatives du discours des hommes
politiques et des gouvernements. Ils ne sont que des adaptations à
des rapports de force.
Sur ce plan-là, la faible communauté
juive de France (350 000 juifs face à X (6 millions ? 10 millions
?) de musulmans pèse très peu et que pèse le
frêle Etat d’Israël face à l’immensité
du monde musulman ? La vieille sagesse française à la
de la Fontaine le savait : « selon que vous soyiez puissant
ou misérables »...
Le plus critiquable dans ces affaires, c’est
le ton « moral » employé par les porte paroles
du gouvernement pour maquiller des intérêts bien prosaïques
en matière de finances arabes, de pouvoir politique arabe et
de crainte de la communauté musulmane française. A cette
occasion, on a appris, avec stupéfaction, par la chaine publique
de télévision qu’il y avait en France 600 000
Tunisiens (depuis quand, dans la République, compte-t-on les
origines ethniques, il est vrai ici doublées d’un statut
politique car ces Tunisiens sont des double-nationaux) de sorte que
la France devait ménager leur susceptibilité pour éviter
des « troubles » ! Se préoccupe-t-on de ménager
la susceptibilité des Juifs de France ?
Pour la clarté du débat, il vaudrait
mieux que le gouvernement appelle un chat, un chat et qu’il
énonce clairement, sans cette façade morale démonstrativement
vertueuse, de quel côté penchent ses intérêts
politiques au Moyen Orient. Les choses seront claires pour tout le
monde. Mais ici, est apparu avec éclat la morale du «
deux poids-deux mesures » envers Israël: une caricature
de la morale.
PS/ Nous avons appris la façon dont le clan
Ben Ali s’appropriait les propriétés d’autrui
dans tous les domaines économiques, à la façon
d’un mafia imposant au départ « l’association
» pour petit à petit expulser le propriétaire
légitime et légal. C’est une information pleine
d’enseignement car c’est exactement ce que fit la Tunisie
indépendante aux Juifs tunisiens pour les dépouiller
de leurs biens puis les pousser au départ. Cette spoliation
étatique se grima sous les formes d’une loi, la loi sur
la mise en « coopérative » des entreprises tunisiennes
de 1956.
Pour plus d’information, voir notre démonstration
(1) sur cette pratique qui a concerné d’autres pays du
monde arabe et qui a ses origines dans la société musulmane
classique, obligeant les Juifs, des non-citoyens, à avoir des
sortes de « mentors », musulmans.
La morale à tirer de cette histoire pour les sociétés
arabo-musulmanes, c’est que les traitements iniques qu’elles
ont fait subir aux Juifs avec l’indépendance ont fini
par s’appliquer à tous leurs membres par la camarilla
au pouvoir. Ce qui arrive aux Juifs finit par gagner l’ensemble
des hommes... C’est une règle politique immuable sous
tous les azimuts.
(1) Cf. S. Trigano : « La fin du judaïsme
en terres d’islam : une modélisation » Blog
de Shmuel Trigano, à télécharger :
http://www.controverses.fr/pdf/Fin_judaisme_terre_d_islam_Shmuel%20Trigano.pdf