La récente
décision du Vatican d’entamer une procédure pour
la béatification de Pie XII a suscité une levée
de boucliers dans certains courants de l’opinion juive.
Si l’on
peut en comprendre la raison dans l’arène politique on
en comprend moins ses fondements dans l’arène de la religion.
Il y a en effet peut être du côté juif des attentes
envers la Papauté et plus largement le christianisme qui sont
irréalistes. Les Juifs ne constituent nullement une église
du christianisme pour qu’ils se sentent engagés par les
positions du Vatican au point de réclamer et d’exiger.
« Les Juifs sont nos frères aînés »
avait dit Jean Paul II. Certes, même si c’est une façon
amicale de parler de l’antériorité révolue
du judaïsmes, mais ce sont des frères séparés.
Le judaïsme n’est pas le christianisme et vice versa.
L’Église
est un pouvoir qui défend ses propres intérêts
et il faut connaître dans ses fondements l’identité
chrétienne pour savoir qu’elle a un problème structurel
dans son rapport au judaïsme et au peuple juif, qui ne pourra
pas changer sous peine de n’être plus ce qu’elle
est. Si, sur le plan religieux, le rapport possible est extrêmement
limité, il en est autrement sur le plan politique, non pas,
donc, le plan théologique mais celui du rapport des identités
dans l’arène publique.
Ce côté
semble avoir totalement échappé aux activistes du dialogue
judéo-chrétien alors qu’il est le plus important
pour les Juifs aujourd’hui. Or, de ce côté, il
y a beaucoup à dire. Je remarque que, comme pour le voyage
de Benoît XVI en Israël et en Cisjordanie, les leaders
d’opinion n’ont comme prisme de regard que la mémoire
de la Shoa. L’attention s’était alors fixée
sure la visite du pape à Yad VaShem et pas du tout, comme je
l’avais fait remarquer dans un éditorial antérieur,
sur ses déclarations aux Palestiniens tout à fait partiales
et aux profondes conséquences pour la nature de la reconnaissance
de l’État d’Israël par le Vatican.
C’est la
même chose cette fois-ci : on se focalise sur Pie XII mais on
ne dit rien sur la politique papale qui s’annonce concernant
le sort des chrétiens dans les pays d’Islam. Le Vatican
s’alarme, après un long silence diplomatique, sur leur
extinction programmée et les persécutions et les massacres
dont ils sont l’objet dans de nombreux pays. Et que trouve-t-il
pour expliquer leur situation ? Non pas l’intolérance
de sociétés où le fondamentalisme fait rage mais
le conflit israélo-palestinien, dénonçant «
l’occupation israélienne de territoires palestiniens
» qui rend la vie difficile aux chrétiens. Qu’en
est-il des massacres au Nigéria, il y a quelques jours, aux
Philippines, au Pakistan, des attentats contre les Coptes en Égypte,
des persécutions en Algérie ?
Sans compter que
le Vatican se rend coupable d’un négationnisme, conscient
ou inconscient : celui de l’expulsion ou de l’exclusion
du judaïsme sépharade de 10 pays arabo-musulmans de 1940
à 1970, signe avant coureur de la poussée vers la sortie
des Arabes chrétiens aujourd’hui et de ce que bientôt
le monde musulman ne comportera plus de non musulmans.
La boucle est
bouclée : l’élément qui infirme l’idée
que le conflit israélo-palestinien résulte de l’occupation
est élidée pour renforcer l’accusation d’Israël
comme fauteur de troubles.
Voilà où
est le scandale de la position du Vatican.
*Éditorial
sur Radio J le vendredi 22 janvier 2010.