par
Shmuel Trigano,
Directeur de la revue Controverses, 31 mai 2011
Texte
élaboré à partir des éléments
du dossier publié par la revue Controverses
Jérusalem
est un pivot de la foi et de l’existence juives : la clef
de voute de l’édifice symbolique du judaïsme
Mentionnée
plus de 600 fois dans le texte biblique, cette ville a été
la capitale de deux Etats Juifs et est devenue la référence
absolue de la continuité juive durant plus de 2000 ans d’exil,
but ultime de vagues d’immigration récurrentes des
Juifs durant cette période, objet d’une contemplation
mystique et poétique qui a rempli des bibliothèques.
Les
Juifs y sont majoritaires depuis la fin du XIX° siècle.
Si
les chrétiens et les musulmans se recommandent de Jérusalem,
c’est du fait de la filiation de leurs religions avec le judaïsme.
Ces
deux religions ont clairement choisi des centres substitutifs pour
se fonder (Rome et La Mecque) afin de se démarquer de Jérusalem,
alors que cette dernière est l’unique centre du judaïsme.
Le
rapport des Juifs à Jérusalem n’est cependant
pas qu’un rapport religieux ou spirituel. C’est aussi
un rapport historico-politique car la spécificité
du judaïsme est d’être une religion en même
temps qu’un peuple.
Avancer
que les Juifs sont des colonisateurs à Jérusalem relève
d’un négationnisme historique et revient à contester
aux Juifs le droit d’être un peuple, et un peuple souverain
dans le concert des peuples. C’est un déni de toute
leur histoire.
C’est
de plus contester la légitimité historique même
d’un Etat d’Israël sur la Terre d’Israël.
Ce pays n’a jamais été érigé en
Etat tout au long de la domination des empires musulmans successifs
(arabe et ottoman). Jérusalem n’est pas mentionnée
une seule fois dans le Coran. Israël n’occupe aucun territoire
indépendant antérieur. Il n’y a jamais eu dans
l’histoire d’entité palestinienne sur cette terre.
L’Autorité palestinienne est née de l’assentiment
d’Israël, produit des « Accords d’Oslo ».
Le statut antérieur de Jérusalem, dont Israël
a pris la suite après l’agression de la coalition arabe
en 1967, est celui de l’annexion de la ville orientale par
la Transjordanie, devenant alors la Jordanie, en 1948. Depuis la
fin de l’empire ottoman, un pouvoir colonial, le statut de
la ville était incertain.
C’est
une chose, pour les Juifs, d’être privé de Jérusalem
durant 2000 ans, c’en est une autre, bien plus grave, de renoncer
à elle lorsqu’ils s’y trouvent des suites de
l’échec de l’agression de la coalition arabe
en 1967. Cela ébranlerait l’architecture intime du
peuple juif.
Diviser
une ville à l’époque de la mondialisation ?
De Berlin à Jérusalem
Alors
que la réunification de la ville de Berlin a été
le symbole d’une ère nouvelle, la redivision de Jérusalem
annoncerait une ère de guerres violentes. On ne peut comprendre
que ce soit là une cause progressiste et pacifique. Ce serait
au contraire s’aligner sur un des nationalismes les plus régressifs
de l’histoire (1), dont le projet vise à chasser de
son territoire tous les Juifs (2) et les chrétiens aussi,
au vu de ce qui se passe dans les territoires administrés
par l’Autorité palestinienne (l’exil des Palestiniens
de Bethléem notamment).
L’Etat
palestinien projeté sera en effet placé sous la juridiction
de la loi islamique (3) et fera reposer sa citoyenneté sur
des critères raciaux (arabe (4)) et religieux (islam).
La
redivision de Jérusalem de même que sa création
est le premier volet de la stratégie « par étapes
» de l’Autorité palestinienne, le « cheval
de Troie » d’un projet de domination de toute la Palestine
: du Jourdain à la mer (5).
200
000 Juifs habitent aujourd’hui, à « Jérusalem
Est », dans 11 quartiers
Quand
les deux parties de Jérusalem, l'israélienne et la
jordanienne, ont été réunifiées par
l’Etat d’Israël, il y a 44 ans, 710 000 mètres
carrés de terrain ont été annexés.
La
première zone de quelques dizaines
de milliers de mètres carrés se trouve principalement
dans le nord de la ville. Cette zone en a été en fait
exclue après l'édification par Israël de la barrière
de sécurité, destinée à endiguer la
vague terroriste très dure du début des années
2000, dans le périmètre municipal de Jérusalem
(600 attentats, 210 morts, des milliers de blessés). De facto,
des endroits, comme le camp de réfugiés de Shouafat
et Kfar Ekev, principalement au nord de Jérusalem, ont été
sortis du périmètre municipal.
La
deuxième zone, qui était
inhabitée en 1967, s'étend sur 300 000 mètres
carrés et est habitée depuis les 44 dernières
années par environ 200 000 juifs résidant dans 11
grands quartiers qui sont devenus un élément indissociable
de la structure urbaine de Jérusalem.
La
troisième zone d'environ 350 000
mètres carrés est peuplée d'approximativement
270 000 arabes et contient quelques petits îlots juifs. La
plupart de ces îlots sont des lieux chargés d'histoire
pour le peuple juif, comme la Cité de David près de
Silwan ou les avant-postes près du tombeau de Simon le Juste,
le Mont des Oliviers ou la Vieille ville de Jérusalem. Dans
cette zone, Israël a établi une présence institutionnelle
impressionnante : il a restauré et agrandi l'Université
hébraïque et l'hôpital Hadassa du Mont Scopus
qui furent séparés de Jérusalem en 1948 ainsi
que le cimetière du Mont des Oliviers. Il a construit le
quartier des ministères à Sheikh Jerrah, il a créé
une enfilade de jardins publics, de routes, d'hôtels, d'institutions
publiques mais s'est abstenu de construire des immeubles d'habitation
pour les Juifs dans ces zones avec une exception : le quartier juif
de la Vieille ville détruit en 1948 et restauré après
1967. Ses habitants juifs constituent actuellement moins de 10 %
de la population de la Vieille ville.
Depuis
1967, la population juive a crû de 150 % quand dans le même
temps la population arabe a augmenté de 291%. Les Juifs représentent
65% de la population de Jérusalem.
La
ville est indivisible dans la pratique du point de vue urbanistique
L’imbrication
des quartiers juifs et arabes, les réseaux d’adduction
d’eau, d’électricité, etc, rendent la
division impossible.
Diviser
la ville met en danger les résidents juifs
En
ce qui concerne le profil du partage, il faut tout d'abord prendre
en considération qu'après la partition, environ 270
000 Juifs résideront dans des quartiers frontaliers. Le long
des presque 46 kilomètres de la ligne de partage, à
une distance de centaines ou de dizaines de mètres les uns
des autres, car ce sont les distances entre les maisons juives et
arabes, des dizaines de quartiers et de pâtés de maisons
juifs et palestiniens se retrouveront face à face, à
portée des armes légères, des pierres ou des
cocktails Molotov (à Jérusalem, il n'y a pas besoin
de roquettes Qassam ni de mortiers, un seul snipper peut détruire
la vie d’un quartier).
Il
n’y a pas de contiguïté géographique des
quartiers juifs à l’est et la ville de Maalé
Adoumim dans le secteur défini par les Accords d’Oslo
comme E1. La même situation caractérise le rapport
des quartiers juifs du nord de Jérusalem et de ceux du centre.
Il
y a un antécédent de la partition de Jérusalem
qui nous sert de leçon. La ville a déjà été
divisée une fois en 1948. Des dizaines de quartiers sont
alors devenus frontaliers de la Jordanie avec pour conséquence
le départ de 25 % de la population juive de Jérusalem.
Un quart des Juifs de la ville !
Tracer
des lignes de démarcation dans un tel tissu urbain, sera
une action purement théorique. Jérusalem deviendra
la porte ouverte aux infiltrations des Palestiniens en quête
d’avantages sociaux ou d’actions terroristes.
Les
habitants palestiniens de Jérusalem préfèreraient
la souveraineté israélienne
Dans
le dernier sondage organisé par le centre américain
Pitcher, un grand nombre d’entre eux disent explicitement,
qu'en cas de division, ils déménageront du côté
israélien. Ce n'est évidemment pas par conviction
sioniste mais en vue d’un niveau de vie. 30 000 d'entre eux
ont été encore plus loin en ne se contentant pas d'une
carte de résident, mais en acquérant la citoyenneté
israélienne. Si le gouvernement ouvrait demain la porte de
l'accession à la citoyenneté, on estime qu'environ
100 000 personnes se présenteraient au ministère de
l'Intérieur et demanderaient la citoyenneté israélienne.
Quand
la barrière de sécurité, qui excluait de fait
de la ville des dizaines de milliers de Palestiniens détenteurs
de la carte de résident bleue, fut érigée,
70 000 Palestiniens ont déménagé du côté
israélien de la barrière. Plusieurs milliers se sont
aussi infiltrés dans des quartiers juifs comme Pisgat Zeev,
Neve Yaacov, Guiva Tsarfatit et même en centre ville.
L’argument
démographique pour la partition est pratiquement inconsistant.
Le
précédent: la Jordanie n’a pas respecté
les Lieux saints ni les traités
La
Jordanie n'a pas honoré le paragraphe 8 de l’accord
d’armistice de 1949 qui devait permettre aux Juifs d'Israël
un accès libre aux lieux saints demeurés sur le territoire
qu’elle avait annexé après avoir déclaré
la guerre à Israël en 1948. Dans la Jérusalem
occupée par la Jordanie, de graves déprédations
des Lieux saints furent commises : abandon du quartier juif, arabisation
de la ville, destruction de 58 synagogues de la Vieille ville et
profanation de 50000 pierres tombales du cimetière du Mont
des Oliviers, déterrées et reconverties en latrines
et pavement de rues, le Mont du Temple transformé en campement
militaire de la garde nationale jordanienne.
La
Jordanie exerça aussi des pressions sur les chrétiens,
obligeant les membres du clergé à adopter la nationalité
jordanienne, limitant (loi de 1965) l’acquisition des terres
pour les institutions religieuses, obligeant les écoles (loi
de 1966) à fermer le vendredi et limitant l’accès
à l’éducation chrétienne.
A
la lumière des persécutions des chrétiens aujourd’hui
courantes en pays musulmans, il semble douteux qu’un Etat
palestinien sous la loi de la Sharia, puisse assurer la liberté
de culte aux non musulmans, ce qu’atteste sa politique récente.
L’Autorité
palestinienne n’a pas respecté pas les Lieux saints
juifs et chrétiens
1)
Le 29 septembre 2000 : le mur occidental devînt la cible d’une
lapidation depuis les mosquées, à la veille de Rosh
Hashana. Les fidèles juifs durent être évacués.
Le cheikh de la mosquée Al Adrisi incita les foules palestiniennes
à la violence en déclarant les Juifs « au sommet
de la liste des ennemis de l’islam ». « Les musulmans
sont prêts à sacrifier leur vie et leur sang pour protéger
la nature islamique de Jérusalem et Al Aksa », tel
fut le motto d’une autorité religieuse qui n’avait
aucune autonomie par rapport à Arafat.
2)
Le 7 octobre 2000, la tombe de Joseph à Naplouse sous le
feu fut saccagée puis brûlée après qu’Israël
l’a évacuée. Depuis le tombeau de Joseph a été
incendié plusieurs fois et transformé en mosquée.
3)
La tombe de Rachel, près de Bethléem, se retrouva
sous le feu de snippers
4)
Le 12 octobre 2000, la synagogue Shalom Al Israel de Jéricho
fut attaquée et saccagée. Nombre de ses livres anciens
et reliques furent brûlés en public.
5)
L’Autorité palestinienne refusa de reconnaître
le lien des Juifs au Mont du Temple, à Jérusalem et
à d’autres sites religieux. C’est une politique
tout à fait planifiée qui s’exprime alors. En
mars 2001, en construisant deux immenses mosquées souterraines
sur le mont du Temple, le Wakf se rend responsable d’un saccage
des vestiges juifs sur le Mont du Temple. Les inspecteurs du département
de l’archéologie israéliens avaient été
expulsés. 13000 tonnes de terre rassemblant des vestiges
du premier et du deuxième temples furent jetés à
la poubelle. On ne peut comparer un tel fait, une véritable
agression religieuse et culturelle qui touche à l’âme
d’une nation, qu’à la destruction par les Talibans
des Bouddhas de la vallée du Bamian en Afghanistan, en 2001.
6)
Après le retrait de Gaza, les synagogues du Goush Katif ont
été profanées et brûlées.
7)
La lapidation de fidèles du Mur occidental à partir
des mosquées est monnaie courante.
8)
Le traitement des chrétiens par l’Autorité palestinienne
peut également inquiéter : les chrétiens autrefois
majoritaires à Bethléem, à Beit Jala contrôlés
par l'Autorité palestinienne, se sont enfuis en masse pour
se réinstaller au Chili et en Amérique du sud. Durant
l’intifada, l'Autorité palestinienne a pu transformer
l'église de la Nativité de Bethléem en base
de combat et prendre en otages des prêtres et des chrétiens,
pendant l'opération Rempart menée par Israël
contre le terrorisme.
La
liberté des cultes à Jérusalem a été
pleinement respectée sous la souveraineté israélienne
Une
loi de l’Etat, sous le contrôle de la Cour suprême,
garantit la liberté de culte et la préservation des
Lieux saints de toutes les religions.
Une
des preuves les plus fortes de cette attitude est le fait, peu connu,
que le Mont du Temple, le lieu le plus saint du judaïsme, siège
des deux Temples historiques qui y ont été construits,
a été confié, en 1967, du fait de la présence
des mosquées, à l’autorité religieuse
musulmane, le Wakf. C’est même ce qui a rendu possible
le saccage du Mont du Temple pour y construire deux immenses mosquées
souterraines.
Les
Palestiniens revendiquent le Kotel
Concernant
les lieux saints, les Palestiniens revendiquent non seulement le
Saint Sépulcre, les mosquées du Mont du Temple mais
aussi le quartier arménien et le Mur des Lamentations, ce
dernier en se fondant sur un décret britannique de 1929 selon
lequel il s’agit du « mur de Al Bourak » (la jument
ailée de Mohamed) ayant statut de wakf islamique. Par ce
décret, les Juifs reçurent alors le droit d’y
prier à condition qu’ils n’y sonnent pas du shofar.
Lors des pourparlers qui précédèrent l’intifada,
Arafat avait proposé de donner accès aux Juifs à
travers un corridor. Ce que confirma Ziad Abou Ziad, membre du Conseil
Législatif palestinien. Le Sheikh Ikrima Sabri de la mosquée
El Aksa déclara lui aussi que les Juifs n’obtiendraient
que l’accès au Mur pour y prier. Hassan Asfour, un
des plus importants négociateurs palestiniens résuma
bien le point de vue palestinien : « pour ce qui est du mur
d’Al Bourak – que les Juifs appellent le Mur des lamentations
– nous avons dit aux Israéliens que nous ne nous opposons
pas au culte des Juifs. Mais les Israéliens doivent réaliser
que c’est une concession palestinienne ; ils ne doivent pas
voir cela comme un droit ; c’est ainsi parce que l’accord
anglo-juif de 1929 a donné aux Juifs le droit de culte en
se fondant sur le fait que le mur de Al Bourak est un wakf islamique
». Mahmoud Abbas déclara à cette occasion :
« nous acceptons qu’ils puissent prier sans que nous
reconnaissions une souveraineté israélienne sur le
Mont ». Il revendiqua alors une souveraineté exclusivement
palestinienne sur le Mont du Temple.
Les
Palestiniens revendiquent 46% de Jérusalem Ouest
Il
n’y eut pas que la Vieille ville ou « Jérusalem-Est
» dans son entièreté que les Palestiniens revendiquèrent
alors. Selon un sondage de novembre 2000, après Camp David,
à la question de savoir si les Palestiniens acceptaient la
souveraineté israélienne sur la ville Ouest : 74,3%
répondent non, 21% oui et 4,6% restent incertains.
L’hypothèse
d’un échange de territoires pour les faubourgs juifs
à l’Est ne leur est envisageable qu’avec des
territoires à Jérusalem Ouest, d’avant 1948.
Rashid
Khalidi, un universitaire palestinien, déclare ainsi, le
25 juin 1992 : « nous devons demander un droit de compensation
pour les propriétés à Jérusalem Ouest,
incluant la propriété privée et la propriété
publique, et après compensation seulement reconnaître
la propriété israélienne ». Dans
la même foulée, il affirme que 46% des terres de Jérusalem
Ouest sont propriété palestinienne. Les Palestiniens
ont préparé une liste de 7000 bâtiments et de
terrains habités déjà depuis des dizaines d'années
par des Juifs, propriétés qu'ils entendent réclamer.
Ainsi
la division de la ville, loin d’assurer la paix, ouvrira la
porte à une surenchère d’exigences génératrice
d’une guerre sans fin.
Notes
1 - Cf. S.
Trigano, « Le racisme annoncé du futur Etat de Palestine
», in Controverses, n°16, mars 2011.
2 - Cf.
Déclaration de Mahmoud Abbas en Aout 2010, demandant que
même dans d’éventuelles forces d’interposition
des Nations Unies il n’y ait pas de Juifs…
3 - Cf.
Projet de constitution du futur Etat, art. 6 : « l’Islam
sera la religion officielle de l’Etat les religions monothéistes
seront respectées» (en somme restauration du statut
de dhimmi)
4 - Art.
4 « Cette constitution se fonde sur la volonté du peuple
arabe palestinien » ; art. 2 « Le peuple palestinien
est une partie des nations arabes et islamiques » ; art. 10,
« la souveraineté appartient au peuple arabe palestinien
» ; art. 13 « le caractère légal du peuple
arabe palestinien sera incarné par l’Etat ».
5 - Fayçal
Husseini, un homme célébré par les médias
pour sa « modération », déclarait, quant
à lui, un mois avant sa mort, au journal égyptien
nassériste Al Arabi (du 2 juillet 2001), que les accords
d’Oslo étaient « un cheval de Troie »,
destiné à pourvoir les Palestiniens d’une base
territoriale pour conduire une guérilla permanente qui finirait
avec la création d’un Etat palestinien sur les ruines
d’Israël. De semblables déclarations des leaders
palestiniens sont monnaie courante.