Shmuel
Trigano, le 9 juillet 2010.
Les
familiers d’Internet ont pu lire sur leur écran le
récit photographique incroyable d’une émeute
à Paris dont personne n’a entendu parler (Agence La
Mena, le 25 juin). Un journaliste et photographe, Jean-Paul Ney,
s’est trouvé le 31 mai 2010, au lendemain de l’affaire
de la flottille dans les parages des Champs-Élysées
et a assisté à des actes de grande violence d’une
manifestation contre Israël où de jeunes Maghrébins
rejoints par la suite par des ultra-gauchistes se sont livrés
à une véritable « intifada », témoigne
le journaliste qui sait de quoi il parle, avec des pavés
et des pierres apportés sur les lieux pour la circonstance.
Cette
manifestation s’est dirigée, du Rond Point des Champs-Élysées
vers l’ambassade d’Israël et a été
stoppée en cours de route par des policiers qui avaient cependant
reçu l’ordre –clairement entendu par le reporter–
de ne pas riposter. Et le journaliste de raconter, qu’il est
ensuite allé proposer son reportage aux médias qui
tous sans exception l’ont refusé.
Il
ne s’est donc rien passé à Paris le 31 mai 2010.
Nous
sommes là face à un cas édifiant et significatif
qui corrobore notre analyse de la situation depuis la première
vague d’agressions antisémites de 2001-2003. Rappelez-vous
: durant plusieurs mois le gouvernement socialiste avait imposé
aux médias et aux institutions juives un black out total
pour –je cite– « ne pas jeter de l’huile
sur le feu ». Tout au long de cette période terrible
où nous avons eu le sentiment traumatique, ineffaçable,
que l’État avait abandonné ses citoyens juifs,
nous avons été exposés aux quolibets des journalistes
et des Juifs de salon, nous accusant de racisme et de communautarisme,
alors que nous appelions au secours. Le sacrifice demandé
aux Juifs était censé protéger la « paix
civile », ce qui installa littéralement les Juifs dans
la vieille fonction du bouc émissaire.
Ce
qui m’intéresse ici, c’est le silence total (sur
500 agressions antisémites !) observé alors par les
médias de façon unanime. Nous avions alors fait l’inquiétante
expérience de ce que fut la société totalitaire.
Il n’y avait plus pourtant d’ORTF et de main mise du
gouvernement sur les moyens d’expression. Une société
formellement pluraliste se montrait sous un jour totalitaire.
Ce
constat était déjà grave. Si nous le rapportons
à l’unanimité ahurissante des médias
français condamnant la réaction d’Israël
à la flottille, dans la plus totale hypocrisie face aux faits,
il est encore plus grave. Nous voyons bien qu’une orientation
unique inspire l’information et le discours public qui vise
à cacher les faits à l’opinion publique et à
exacerber les passions anti-israéliennes. Depuis 10 ans,
il est clair que s’exerce une censure idéologique bannissant
et caricaturant certains discours et certains intellectuels et en
privilégiant d’autres. Je dis que cet unanimisme a
un air de lynchage, un caractère typiquement antisémite.
Tous les historiens de l’antisémitisme vous le confirmeront.
Alors je pose une question grave : comment imaginer que tant de
médias différents adoptent une même posture,
un même discours ? Quelle politique, émanant de quel
pouvoir la sous-tend ? Les Juifs comme symbole et image en constituent
le dispositif le plus sensible. Il n’est plus possible de
croire qu’il y a là le fait du hasard ou des passions.
Nous sommes dans un cas de figure qui implique objectivement un
recul de la citoyenneté des Juifs.
C’est
le début de la décomposition de la République.
Le mal dont est frappé le bouc émissaire finit toujours
par gagner toute la collectivité.
PS
: il n’est que de voir la campagne médiatique qui a
suivi quelques jours après, prenant pour cible Nicolas Sarkozy
et Éric Woerth, dont le déploiement ne peut qu’étonner
l’observateur extérieur. Il y a bien là un pouvoir
fou qu’aucune instance ne contrôle et qui devient un
danger pour le bien public. Ce n’est pas cela la démocratie.
*à partir d’une chronique sur Radio-J, le 9 juillet
2010.